DÉJEUNER-DÉBAT
Le 17 octobre dernier, le SNBPE recevait pour son déjeuner de rentrée, Edouard Philippe, ancien Premier ministre et maire du Havre. Au menu la décarbonation de la Filière Béton, la résilience nécessaire des aménagements urbains et la compétitivité des entreprises.
Plusieurs parlementaires, députés et sénateurs et des élus territoriaux et locaux avaient répondu présents à l’invitation du SNBPE de même que de très nombreux représentants de la filière du BTP.
Décarboné, résilient et sobre : l’aménagement du territoire dans le respect des trajectoires zéro carbone 2030 et 2050 a rappelé Bruno Pillon, Président de France Ciment en revenant sur la nouvelle feuille de route de décarbonation de la filière.
Objectif : réduire de moitié l’empreinte carbone de l’industrie cimentière d’ici à 2030, et viser la quasi neutralité carbone à horizon 2050. Pour y parvenir, les cimentiers comptent agir sur deux leviers : l’accélération de la décarbonation des process et le déploiement des solutions de captage du carbone inhérent à la fabrication du ciment.
Pour se faire, il faudra améliorer l’efficacité énergétique, recourir à des énergies combustibles non fossiles en valorisant les déchets non recyclables et enfin abaisser en cimenterie la teneur en clinker ; c’est ainsi que l’industrie cimentière s’engage à ce que la part des combustibles alternatifs atteigne 80% dès 2030, contre 44% en 2021. Ce doublement de la part de déchets dans le mix énergétique va renforcer le modèle d’ancrage territorial déjà fort de l’industrie cimentière, puisqu’il va offrir une solution d’exutoire de premier plan aux collectivités locales.
De même pour accélérer la décarbonation des solutions existantes, il s’agit également d’abaisser la teneur en clinker – le composant carboné du ciment – en produisant des substituts (argile calcinée…) moins émissifs et en proposant de nouvelles formulations pour élargir la gamme des ciments. Au total, ces deux effets cumulés devraient permettre de réduire de 27% l’empreinte carbone d’une tonne de ciment dès 2030.
Le second levier sur lequel l’industrie cimentière compte s’appuyer pour accélérer la décarbonation du secteur est celui du captage du carbone produit par les cimenteries. En effet, sur les 10 millions de tonnes de CO2 émises chaque année par ces dernières, les 2/3 sont inhérentes à la fabrication du clinker via le processus chimique de décarbonatation du calcaire, la principale matière première. Pour « s’attaquer » à ces émissions, le déploiement des technologies de captage, de stockage et de valorisation du CO2 est incontournable. Alors que des premiers projets pilotes sont d’ores et déjà développés, les objectifs de « captage » sont ambitieux : 2,4 millions de tonnes de CO2 par an dès 2030, ce qui permettrait de réduire de 23% supplémentaires les émissions à cet horizon.
La résilience nécessaire des aménagements urbains : les propositions de la Filière Béton pour répondre aux attentes des Pouvoirs Publics et des Français ; pour Jean Marc Golberg, président du SNBPE, la performance climatique des bâtiments devrait s’apprécier non à l’échelle théorique des matériaux mais à l’échelle effective des ouvrages.
En effet, l’accent mis sur l’énergie et le carbone gagnerait à être complété par d’autres critères au travers d’indicateurs majeurs et évidents tels que ceux portant sur la durabilité, l’inscription dans l’économie circulaire et les circuits courts.
Les industriels de la Filière saluent les travaux engagés pour envisager les évolutions à donner à la RE2020 au-delà de 2031, ainsi pourraient être retenus le confort d’été, la recyclabilité, l’évolution des ouvrages conformes à l’économie de la fonctionnalité, la gestion durable de l’eau, la biodiversité…
Quant aux zéro artificialisation net (ZAN), Jean Marc Golberg n’a pas manqué de rappeler que construire des immeubles de grande hauteur, d’anticiper, dès leur construction, l’évolution des ouvrages, c’est densifier la ville afin de libérer du foncier, favoriser l’absorption des eaux de ruissellement et gérer les surplus de précipitations liées aux aléas climatiques…sans pour cela oublier les problématiques des solutions constructives horizontales pour favoriser l’absorption des eaux de ruissellement, gérer les surplus de précipitations liées aux aléas climatiques avec notamment la mise en place des solutions de béton drainant.
Alors qu’une crise du logement est clairement identifiée, et que la construction de logements neufs attendue en 2023 se situera à un niveau historiquement bas inférieur à 300 000, la Filière Béton à des propositions à faire pour accompagner la filière de la construction et lui permettre de réaliser les logements nécessaires pour combler un déficit du à la croissance de la population, à son vieillissement ainsi qu’aux nouvelles structures familiales et ce tout en respectant les objectifs de zéro artificialisation nette imposés par la ZAN a martelé François Petry, Président de la Filière Béton.
Pour ce faire, il faut construire plus, mieux et à coût maitrisé des logements de qualité, durables, à un coût maîtrisé qui reste accessible aux primo accédants. Sur le sujet aussi essentiel que la sécurité des personnes et des biens, la Filière Béton souhaite que s’engage une réflexion, avec l’ensemble des filières constructives, visant à élaborer de nouveaux outils, capables de simuler de façon optimale la prévention des incendies et par conséquent améliorer la sécurité
des occupants.
Et la Filière ne manque pas d’arguments ni d’atouts pour accompagner les acteurs de la construction. Elle est en mesure de proposer des solutions constructives qui permettent
- De densifier l’habitat en construisant la ville sur et sous la ville et de pas isoler le bâtiment mais de ne l’intégrer dans un périmètre plus large intégrant services et aménagements adaptés
- De réaliser des bâtiments avec une durée de vie calculée sur 100 ans et un très faible entretien, validés par des FDES certifiées par tierces parties extérieures
- D’optimiser les performances des bâtiments en s’alliant à d’autres matériaux
- De proposer des matériaux fabriqués localement, entièrement recyclables et résistants aux agressions en particulier celles du feu et de l’eau
- D’optimiser le confort d’usage tout en évitant le recours à la climatisation l’été et en réalisant des économies d’énergie l’hiver
- De concevoir des ouvrages des plus classiques aux plus audacieux et de les inscrire dans tous les environnements architecturaux et culturels
- D’éviter l’artificialisation des sols en proposant pour les aménagements horizontaux des bétons drainants
Les politiques du logement étant insuffisamment concertées, en conclusion de son intervention, François Petry a rappelé que soucieuse d’apporter sa contribution à la résolution de la « crise du logement », la Filière Béton souhaite au côté des autres parties prenantes, être consultée par les Pouvoirs Publics lors des concertations qu’ils ne manqueront pas d’organiser en vue d’une inévitable « Loi logement ».
La compétitivité des entreprises au centre des préoccupations de Jean Marc Golberg, président du SNBPE.
Soucieuses d’améliorer la qualité de l’air dans les villes, les collectivités locales mettent en place des ZFE-m. Indépendamment des aides qui pourraient être apportées pour accompagner le remplacement des flottes de camions thermiques par des motorisations à énergies propres et ce au-delà des camions de 3,5 T, les entreprises demandes que le PTAC soit porté de 32 à 35 tonnes ce qui tout en évitant les risques de surcharges, permettrait de réduire le nombre de tours de livraison en milieu urbain.
Par ailleurs alors que les Pouvoirs Publics souhaitent s’inscrire dans une trajectoire de réduction du CO2, les industriels vont se trouver à termes confrontés à la suppression du GNR ; cette suppression restera inquiétante pour les entreprises, tant qu’il n’existera, sur le marché, suffisamment de motorisations alternatives alors qu’il faudra a minima une décennie pour accompagner la conversion écologique du secteur en y associant les fabricants de camions.
Enfin Jean-Marc Golberg n’a pas manqué de rappeler que les entreprises de la Filière Béton craignent l’instauration de taxes de transit. Produisant des matériaux de proximité, transportés sur de faibles distances, elles peuvent néanmoins être amenées à emprunter régulièrement des itinéraires taxés ; il va de soi que pour elles, l’incidence cumulée de taxes de transit ne sera pas la même que pour des transporteurs qui ne font que traverser une région pour se rendre d’un point à un autre du territoire.
Ces thèmes d’actualité ont conduit sous la houlette d’Emmanuel Lechypre à des échanges de fond et constructifs, avec Edouard Philippe pour qui « L’ambitieuse politique d’aménagement du territoire et d’équipement revendiquée par le général de Gaulle puis par Georges Pompidou s’inscrit dans cette perspective : l’effort de redressement de la Nation passe par des incarnations physiques, et les grands travaux d’infrastructures, parce qu’ils reposent sur l’idée de l’intérêt général, du long terme et d’une certaine forme de grandeur, incarnent cette volonté. Pour le dire autrement, il me paraît incertain que la France puisse comprendre qui elle est et plus encore où elle va sans se tourner vers des grands projets qui donnent du sens à la façon dont elle envisage l’avenir. », thème largement développé dans son dernier livre « Des lieux qui disent »